19/03/2011

Le commun de Paris

du COLLECTIF EDU-FACTORY


Comment composer la mobilité du travail vivant contemporain et l’exercice de la force ? Voici aujourd’hui le noeud politique. Le défi lancé par Edu-Factory est celui-ci. Les coordonnées spatio-temporelles sur lesquelles mesurer le défi sont immédiatement transnationales, comme les luttes nous enseignent : est-il possible de penser les révoltes d’étudiants et précaires en Italie sans leur explosion en Angleterre, les grèves françaises, ou en capturer le sens sans partir des mouvements révolutionnaires du Maghreb ? Evidemment pas.
Rester enfermés dans les lignes de frontières nationales, sectorielles ou catégorielles, cela veut dire se vouer à la défaite. Le territoire n’existe pas en dehors des mouvements du travail vivant, et il n’y a pas de possibilité de transformation sans une politique transnationale. Ils l’ont bien compris les centaines de groupes, collectifs, facultés occupées et réseaux qui ont adhéré à la Conférence de Paris. Y ont participé toutes les réalités qui, au cours des dernières années, ont donné vie aux luttes contre le Processus de Bologne, le devenir-entreprise de l’université, les politiques d’austérité et la précarité, qui ont hurlé avec force de ne pas vouloir payer la crise, mais surtout en affirmant : nous sommes votre crise. Ils ont participé nombreux et nombreuses, et celui-ci est un donné nouveau et de grande importance, de l’ex Europe de l’Est – de la Slovénie à l’Ukraine, de la Pologne à la Russie. Mais y ont participé aussi des activistes et militants du Maghreb, du Japon, du Canada, des Etats-Unis, du Chili. Des membres du Front de Libération Populaire Tunisien se sont par contre vus refuser par la France le droit de franchir le seuil du pays. Faire une rencontre européenne des mouvements – voici l’enseignement qui nous vient de Paris – cela signifie de mettre radicalement en discussion les frontières tremblantes de la constitution européenne. Cela signifie de rouvrir le processus à partir des luttes transnationales. L’Europe, ainsi, est aujourd’hui à repenser à partir de la Tunisie et de l’Egypte.
Ce n’est donc pas un hasard si les médias, effrayés de la possibilité d’une contagion, se soient apprêtés à classer rapidement ce qui est en train de se passer de l’autre côté de la Méditerranée comme une révolte pour le pain. Mais à guider les mouvements, sur les deux rives de la “vieille mer instable”, il y a une force de travail fortement intellectualisée et au chômage. Et jeune, qui plus est, dans le sens où la génération est le paradigme d’une condition générale. Il est jusques trop banal de dire qu’existe des spécificités et des différences, mais le point est que l’espace transnational s’unifie dans la forme de la précarité, de l’appauvrissement et du déclassement, et devient commun sous le signe des luttes. Ici les travailleurs cognitifs sont devenus une classe, et l’université est devenue pour la force de travail de la métropole ce que les usines étaient pour la classe ouvrière : un lieu d’organisation du conflit. Le nom Edu-Factory, dés le début, faisait allusion à cette direction. Il suffit de se tourner vers les pratiques de conflit des mouvements dans le monde entier – la centralité des questions du welfare, du revenu, du non payement de la dette, de la liberté d’accès, de l’autonomie de la production des savoirs – pour se rendre compte que des lexiques communs sont en train d’émerger, qui doivent maintenant se faire réseau organisé, enquête militante et programme de lutte. Non pas pour défendre ce qui existe, le public, mais pour constituer le commun. Voici le défi que la Conférence de Paris avance.
Déjà plusieurs propositions ont commencé à circuler (il y a depuis quelque temps, en plus de la liste de Edu-Factory, une mailing-list de laquelle font partie plusieurs centaines de groupes et d’activistes) et elles ont été discutées pendant les trois jours : des campagnes de mobilisation à une grande journée commune d’action transnationale. Et, pourquoi pas, la convocation d’une prochaine rencontre de l’autre côté de la Méditerranée. Non pas pour courir derrière l’événement, mais pour l’anticiper et l’organiser. Pour donner vie aux nouvelles coordonnées du militantisme du travail vivant contemporain. Peut-on, en effet, penser de transformer l’état des choses présent sans se poser le problème d’une nouvelle Internationale de la précarité cognitive ?



source :  Uninomade 2.0
http://uninomade.org/il-comune-di-parigi/

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